CAYZACO – TROP, C’EST TROP ?

Bonjour à tous,

Après quelques interviewes mouton noir, j’ai décidé de revenir aux fondamentaux avec cette chronique fondée sur des lieux communs, des symboles faciles dont, je pense, il convient de se méfier. “Il y a trop d’argent dans le foot“. “Attention à l’arrivée des Qataris à Paris“. “Les joueurs sont trop payés“. “Il y a trop de foot à la télé“. Trop, c’est trop ? Personnellement, je pars du principe que ce n’est jamais trop mais plutôt jamais assez bien. Explications…

Durant ma carrière de publicitaire, j’ai souvent entendu dire “trop de pub tue la pub“. Un slogan lancé par les anti-publicitaires quand le gouvernement avait décidé de réduire la pub sur les chaines publiques. Leur argument était : “trop de pub à la télé, c’est nuire à l’image de la pub, à son efficacité…“. Faux, les gens aiment les pubs quand elles sont créatives. Il n’y aura jamais trop de bonnes pubs. C’est la mauvaise pub qui tue la pub, c’est d’abord une question de qualité. Jamais trop mais jamais assez bien… C’est un peu la même chose dans le foot.

Trop d’argent dans le foot ?

Il faut faire attention, le milieu du football attise les critiques faciles. Selon moi, il n’y aura jamais trop d’argent dans le foot s’il est bien utilisé. Les moyens financiers doivent d’abord se combiner avec le respect de l’identité du club. C’est pourquoi, d’ailleurs, je me bats autant (… par le discours) pour que le PSG reste au Parc même si je sais que les Qataris sont soucieux de respecter l’histoire et les racines du club.

La réussite d’un club, au plus haut niveau, est étroitement liée à ses moyens financiers. Bien que je regrette que les clubs anglais, espagnols, entre autres, soient trop endettés (l’idée du fairplay financier est certainement un moyen de réduire ces inégalités), on s’aperçoit qu’en C1, les équipes du dernier carré sont presque toujours parmi les plus gros budgets d’Europe.

En France, l’argent amené par les Qataris est quelque chose de très positif, pour le PSG évidemment, mais aussi pour le championnat. Paris est sur la bonne voie pour redevenir un grand d’Europe. C’est bon pour le spectacle, le foot français en général. Il faut noter que les présidents des clubs concurrents partagent ce sentiment.

Trop payés, les footballeurs ?

Pointer du doigt le salaire des grands joueurs, il me semble que ce discours est davantage tenu par les élites et certains politiques, que par les supporters. Quand j’étais président du PSG, ceux-ci me disaient : “Alain, pourquoi vous ne recrutez pas Benzema ?“, “Car je n’ai pas d’argent“, réponse qui ne les satisfaisait aucunement…  “On s’en fout, débrouillez-vous pour en avoir“.

Qui se choque du salaire des stars du cinéma, des pilotes de F1 ? Les footballeurs ne font pas partie des sportifs les mieux payés au monde. Si l’on s’acharne sur eux, c’est peut-être parce qu’on présente généralement leur rémunération en salaire mensuel, ce qui amène à établir une comparaison facile avec celui de Monsieur Tout-le-monde. Au contraire de Tiger Woods ou de Rafael Nadal, par exemple. Aussi parce que Knysna a fait beaucoup de mal à l’image du foot français.

Sur le principe, je ne trouve pas “choquant“ les revenus des grands joueurs car ils génèrent au moins autant de revenus pour le club, c’est la loi du marché. Ce qui me dérange, ce sont les salaires trop élevés pour les joueurs moyens. Payer trop un joueur qui n’a pas une valeur ajoutée suffisante, cela peut-être considéré comme une erreur de management.

Trop d’impôts ? Là, peut-être…

Je n’ai jamais caché mes opinions politiques de gauche. Pour autant, je ne suis pas convaincu que cette taxe dite des 75 % était indispensable à la campagne de François Hollande. Je la trouve seulement symbolique et au final assez inutile par rapport à ce qu’elle peut rapporter. Elle a peut-être occulté des mesures plus profondes et moins spectaculaires, auxquelles j’adhère personnellement, pour parvenir à une meilleure répartition des richesses.

Je fais très attention aux symboles faciles ou autres lieux communs comme “les footballeurs sont stupides et trop payés“, “les politiques sont tous des pourris“, “les instituteurs, toujours en vacances“, “les chefs d’entreprise ne pensent qu’à leurs actionnaires“.  Les lieux communs s’apparentent à du populisme facile. Je suis d’accord pour dénoncer les excès, les dérives, les scandales dans quelque milieu que ce soit. Mais pointer du doigt les sportifs, les grands patrons, est-ce bien nécessaire ? Par contre, les sportifs qui s’exilent pour ne pas payer leurs impôts en France, voilà une pratique qui me dérange profondément. C’est pour moi un manque de civisme. Je ne parle pas bien sûr des tennismen, des basketteurs NBA et autres champions qui gagnent leur argent hors de France.

Trop de foot à la télé, trop de nouvelles chaînes ?

Lors des 1ères “Rencontres du Foot Pro“ qui se sont tenues au Stade de France (22 mars dernier), j’animais l’atelier “Sport et médias“ avec Michel Seydoux. Dirigeants de club, de chaines, acteurs du football étaient réunis. Nous avons répondu à l’idée reçue selon laquelle “trop de foot tue le foot“. Et ce, assez facilement en se basant sur une étude LFP/Ipsos qui montre que ce sentiment n’est pas fondé.

Le football reste le sport préféré des Français, le plus populaire, la L1 la compétition préférée des amateurs de football alors que le foot est le sport le plus diffusé en 2011 avec 496 heures contre 390 h pour le rugby, 254 pour le tennis (retransmissions sportives, hors émissions) et si les footballeurs n’ont pas toujours une bonne image, le bon comportement, le foot continue d’attirer les téléspectateurs.

En presse écrite, si le journal l’Equipe réduisait sa pagination sur le foot, les ventes s’effondreraient.

Je me réjouis de la création des deux chaînes BeInSport. Le monopole n’a jamais été un gage de qualité. Cette nouvelle donne va créer une émulation positive. Canal Plus a fait un travail extraordinaire pour promouvoir notre sport et je suis sûr “qu’aiguillonnés“ par une nouvelle concurrence, les patrons de cette chaine auront à cœur d’être encore plus performants, créatifs et imaginatifs qu’avant car la créativité est dans leurs gênes. On va assister à un combat de géants auquel se mêleront des concurrents talentueux comme Eurosport, M6, TF1, France TV et bientôt l’Equipe HD sans parler du web qui est en train de bouleverser le paysage médiatique.

Et vous, que pensez-vous de tout ça ?

A bientôt,

Alain

CAYZACO. Chaque mois, retrouvez la chronique d’Alain Cayzac sur le Blog d’AnotherCom et réagissez ! Alain Cayzac décrypte la com’ dans le sport à partir de son expérience et de ses convictions. La chronique est interactive, ouverte au débat et à la discussion.

Alain Cayzac est né en 1941 à Evreux. Diplômé d’HEC, il travaille chez Procter & Gamble de 1965 à 1969 puis chez NCK, une agence de pub américaine, avant de co-fonder l’agence de pub Roux Séguéla Cayzac et Goudard. RSCG étant repris par Havas en 1991, il devient vice-président de Havas jusqu’en 2005. Il est Président du Paris Saint-Germain de juin 2006 à avril 2008.

Le 8 avril 2009, il est fait Chevalier de l’Ordre et de la Légion d’Honneur par le Président de la République, Nicolas Sarkozy.