Il y a quelque temps, j’ai vu défiler sur Twitter le hashtag #poncifsportif qui m’a beaucoup amusé. Le but, c’était de citer des lieux communs, des réponses toutes faites que l’on entend (trop) souvent chez les sportifs. Parmi eux, le football et les footballeurs y étaient étonnamment largement abordés…
Voici quelques exemples
“Ce soir, les Dieux du Stade étaient avec nous“ , “A ce niveau, ça se joue sur des détails“, “Il vaut mieux perdre une fois 5-0 que 5 fois 1-0“ , “On va se remettre au travail“, “Quand tu ne sais pas d’où tu viens, tu ne sais pas où tu vas“, “Ce soir, il faut se donner à 1000 %“, “Le plus important, c’est l’équipe“, “C’est toute l’équipe qu’il faut féliciter pour l’exploit que je viens de réaliser“, etc. Je vous laisse compléter cette liste non exhaustive.
Je reconnais en toute franchise m’en être approprié certains durant ma carrière. Céder à la facilité, c’était parfois très tentant.
Pourquoi et comment en arriver à un tel florilège de banalités dans le football ? Qu’est-ce qui amène un footballeur à répondre de la sorte ? Je me suis souvent posé ces questions, y compris lorsque j’étais encore joueur.
Si je mets de côté le politiquement correct, la langue de bois, la peur de dire une connerie, la solution de facilité, qui sont toutes des raisons valables, il reste une autre piste à explorer, les questions posées ! Les torts, entre l’interviewé et l’intervieweur, le footballeur et le journaliste ne seraient-ils pas un peu partagés ? Puisque nous sommes dans les poncifs… j’ai envie de dire que nous sommes face à un paradoxe, celui de l’œuf et la poule.
“C’est une défaite qui fait mal ?“
Ainsi, je me suis parfois retrouvé à devoir répondre à des questions sans point d’interrogation “Édouard, un mot“, ou bien à “C’est frustrant de concéder l’égalisation dans la dernière minute du temps additionnel“…
Tout le monde n’a pas l’aplomb ou l’humour de Paul Gascoigne qui avait répondu a la 1ère question posée par des journalistes italiens en rotant lors de son arrivée à la Lazio de Rome.
Du coup, j’ai voulu prendre le contre pied, avec humour bien sûr (la règle de base dans la philosophie “mouton noir“ = ne pas se prendre au sérieux) et faire une petite sélection des poncifs journalistiques.
“Etes-vous content d’avoir gagné ce match ?“, “C’est une défaite qui fait mal ?“, “Ce soir, c’est une bonne victoire“, “Comment vivez-vous le fait d’être remplaçant ?“, “Si vous pouviez revenir en arrière, y a-t-il des choses que vous changeriez ?“, “Vous vous êtes bien préparés pour ce match ?“, “La sélection, c’est un rêve ?“, ”3 points de plus, c’est bien ?“, “Qu’est-ce que vous allez apporter à l’équipe“, “Vous avez bien préparé ce match?“ Difficile de répondre de façon originale et pertinente.
Je pense que les terrains les plus propices aux poncifs sont les interviewes d’après match au bord du terrain, dans les couloirs des vestiaires, les zone mixtes et les conférences de presse d’avant/d’après match.
Je me souviens d’une conf de presse, avant un match européen, où un journaliste me demande : “Vous y allez comment à Lisbonne ?“ Je laisse quelques secondes, et je réponds “en avion“. Un petit stratagème pour éviter la réponse bateau “On y va pour ramener quelques chose“. Parce que sincèrement, quoi répondre d’original ou de pas formaté “Comment abordez-vous ce match“. On n’y va pas pour le perdre.
Alors à qui la faute ? L’œuf ou la poule ? La question galvaudée ou la réponse convenue, d’une banalité déconcertante, agaçante.
“Seule la victoire est belle ?“
Personnellement, le poncif dont j’ai le plus abusé, c’est “Le plus important ce soir, c’est d’avoir gagné“ en interview d’après match. Je ressentais la frustration de certains, que je peux comprendre. Quand tu gagnes et que tu n’es pas spécialement fier de ta prestation, c’est la phrase qui me venait à l’esprit, sous entendu “seule la victoire est belle“ (autre poncif !)
J’essayais quand même d’éviter “l’important, c’est d’avoir pris les 3 points“, surtout après un match de Coupe://
Plus le club dans lequel tu évolues est exposé, plus la tentation est grande de se réfugier derrière des éléments de langage. Avec la médiatisation grandissante, tu ne peux plus te défiler comme avant. Du coup, tu communiques “plus“ mais pas nécessairement “mieux“. Il y a plus de journalistes mais moins de réponses spontanées. Tu rentres dans le politiquement correct (parfois utile, à quoi cela sert-il d’étaler ses états d’âme en public) pour éviter de mettre de l’huile sur le feu après une série de défaites ou sujets polémiques. Peut-on vraiment éviter cela ?
Dans les gros clubs sur médiatisés, tu signes un règlement intérieur ou il est stipulé que le fait de critiquer le club (l’entreprise!), un coéquipier ou membre de staff publiquement est passible de sanctions. C’est le cas de beaucoup de gros clubs étrangers.
La communication est devenue plus stéréotypée. Aux footballeurs de comprendre que communiquer, c’est faire passer des messages ou idées fortes, et que parler pour ne rien dire ou abuser de poncifs, sur le long terme, n’est pas spécialement bon. Peut-être qu’on le comprend mieux avec les années, quand on maîtrise davantage le contexte. Aux journalistes, j’aurais envie de lancer que s’il faut être 2 pour faire un bon match, ne faut-il pas, aussi être 2 pour faire une bonne interview ?
Un élément important à mes yeux reste de ne pas se prendre au sérieux. Un sourire, de la bonne humeur, un peu d’auto-dérision des deux côtés et l’interaction n’en sera que meilleure !
Bêêênne journée à bientôt,
Edu
Ps. Sinon, la plus grande gaffe dont je me souvienne, c’est d’avoir dit “il a acqueri beaucoup d’expérience“ en interview tv. Je m’en suis voulu toute la journée, la honte. Mais le lendemain personne ne m’en a parlé. Je ne sais pas si c’est un bon signe.
Crédit Photo. Edouard Cissé / AnotherCom
Edouard Cissé est né le 30 mars 1978 à Pau. Actuellement consultant pour beIN SPORT, il évolue 15 saisons comme footballeur professionnel. Il fut successivement le milieu de terrain du Paris Saint-Germain, du Stade Rennais, West Ham, Monaco, Besiktas Istambul, de l’Olympique de Marseille et Auxerre.
Finaliste de la Ligue des Champions, champion de France et de Turquie, vainqueur de 5 Coupes nationales, 3 Trophées des Champions, Edouard Cissé s’attaque certainement au plus gros défi de sa carrière, écrire, et sans faire de fautes si possible, des chroniques pour AnotherCom.
superbe photo j’adore
l important ce soir c’est d avoir pris les 3 points
(insupportable)
oui je crois que le « on y va en avion à lisbonne » c’etait à marseille il me semble ?!
merci pour l’approche que vous avez sur votre métier vous êtes un footballeur intelligent, c’est assez rare pour être signalé
avez-vous mis un terme définitif à votre carrière ?
&désolé mais allez paris
tu pourrais pas refiler ton bescherelle a Ribéry
ça fait plaisir de lire ce type d’itw … Merci Edouard
Très bonne analyse de la situation.Pour moi ,la responsabilité en incombe,en priorité,aux journalistes qui posent toujours les memes questions-bateaux,sans aucune personnalisation.Néanmoins,les footballeurs ont un gros effort à accomplir au niveau de la communication pour arriver,un jour ,à la hauteur de certains sportifs comme ,par exemple, Estanguet ou Agnel.